Jean de Dieu Bialu Makiese, dit « Madilu System » 1950-2007

Madilu System
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En analysant la carrière et l'œuvre discographique de Madilu, trois parties bien distinctes se dégagent : jeune artiste musicien qui se cherche un nid pour éclore (Bakuba Mayopi). Adoption et intronisation par Luambo Makiadi au sein du TP OK Jazz. Puis, une carrière solo qui consacre un talent arrivé à maturité.

Ebloui et inspiré par Sam Mangwana

La voix de Sam Mangwana séduit le gamin Bialu Jean de Dieu qui veut approcher la star à tout prix. Rusé, il va se lier d'amitié avec son domestique et préférera traîner au domicile du chanteur que d'aller à l'école. A la première occasion venue, il intègre différents groupes où il essaye de chanter comme son idole, et plus tard comme Pépé Kallé. (Vieux Bokal merci)

Son entregent et sa détermination vont l'amener jusqu'à l'Afrisa International de Tabu Ley qui montra très peu d'intérêt pour lui. Rochereau Tabu Ley le lui montra parfois de façon blessante, obligeant le jeune chanteur à aller voir ailleurs. Un ailleurs qui ne sera que du bonheur.

Franco l'adopte et le fait roi

Réputé pour ne pas être un employeur très social, Franco Luambo Makiadi a dû gérer difficilement les ressentiments et les velléités d'émancipation de ses talentueux chanteurs comme Ntesa Dalienst, Kiambukuta Josky, Youlou Mabiala, Wuta Mayi... Pour y faire face, il jouait souvent à les diviser pour mieux régner. C'est ainsi qu'il fera très vite de Madilu son protégé. Pas uniquement par stratégie, mais surtout parce que le talent du chanteur avait convaincu le Grand Maître.

Plusieurs tubes vont consacrer cette collaboration particulière : « Non », « Mario », « Mamou », pour ne citer que ceux-là.

Pour la petite histoire, le premier titre interprété par Madilu dans l’OK Jazz est la chanson « Non », qui n’était même pas destiné à Madilu.

Deux circonstances dont l’une inouïe ont été favorables à Madilu.

Acte 1 : Franco qui écrit sa chanson pour ne pas oublier la mélodie doit l’enregistrer sur magnétophone et il a besoin d’un chanteur pour cet exercice. Nous sommes à Bruxelles en 1983, l’OK Jazz est en tournée sur le vieux continent. Franco se rend à l’hôtel où logent ses musiciens pour réquisitionner un chanteur. Il tombe nez à nez avec Madilu qui s’apprêtait à prendre la poudre d’escampette et faire défection. Le chanteur ne trouvait pas sa place parmi les dinosaures de l’époque dans l’OK Jazz.

Il lui dit « Tokeyi naza na Nzembo moko yo okoyemba te na studio, enregistré kaka pona mélodie ebunga te » (Enregistre juste pour garder la mélodie mais tu ne l’interprèteras pas en studio. En faisant écouter le son à sa compagne (Pauline Masuba), la femme de Franco tomba sous le charme de la voix et insista que Madilu interprète le morceau. Ce que femme veut, …

Acte2 : Franco est en guerre ouverte avec la sphère politico-judiciaire de l’époque. Les lieutenants de Mobutu, Kengo wa Dondo en tête, veulent sa peau. Les chanteurs de l’OK Jazz qui ont été avec Luambo en prison, ne sont pas trop emballés à l’idée de suivre le Grand Maître dans ses morceaux sulfureux remplis de quolibets et mesquineries. La chanson « Non » par exemple dénonce les maux des ménages congolais, un vrai pamphlet, où Franco parle des femmes peu avantagées physiquement comme ayant mauvais cœur (Basi ya bilongi migugu mitema mabe). Si les plus anciens hésitent à interpréter ces chansons provocatrices, Madilu voit là l’occasion de saisir sa chance. Ce sera le début du succès.

Lutumba Simaro qui ne jurait que par Sam Mangwana, puis par Carlyto et Malage, finit par faire allégeance à la voix de Madilu même si, quelquefois, il lui fit des infidélités en sollicitant Pépé Kallé, comme pour la nouvelle version de sa chanson Cœur artificiel. Mais il lui confiera des tubes comme « Merci bapesa na mbwa », « Eau bénite », « Ofela », « Daty Pétrole », le Poète Lutumba ne pouvait plus se passer de Madilu. Et depuis la séparation de ces deux artistes, Simaro l'un des tout meilleurs auteurs-compositeurs de la musique congolaise, n'aura vraiment plus réussi des vrais tubes...

Madilu
Madilu System

Le Grand Ninja : Tout seul et bien plus fort encore

La mort de Luambo aura été fatale à son orchestre le Tout Puissant OK Jazz. Des tiraillements entre ayants droit et les musiciens vont causer la scission du groupe avec le Bana OK mené par Lutumba, Ndombe et Josky notamment. Dans un premier temps, Madilu va rester fidèle à OK Jazz et à la famille de Luambo avant finalement de lancer son propre groupe.

Interprète adulé, Madilu va devoir se lancer aussi en tant qu'auteur-compositeur et responsable d'un groupe. À ses débuts, l'élève veut copier le maître en montrant un penchant pour la satire à la Luambo Makiadi, mais c'est dans le registre du cœur, du romantisme qu'il va lancer le troisième étage de la fusée Multi System qui va enrichir le répertoire de la musique congolaise des titres incontournables pour les radios et pour toutes les soirées et fêtes congolaises : « Ya Jean », « Si je savais ça », « Juste un peu d'amour » ... et tant d’autres.

A l'école de Luambo, Madilu a appris à peindre la société sans concession, sans complaisance.

Il chante la cause des veuves et orphelins qu'on déshérite, la misère exploitée par certains pasteurs véreux des églises évangéliques. Il se voulait héritier naturel de Franco, il le dit d’ailleurs dans le morceau « Yaya ».

Son talent était arrivé à maturité et c'est en ce moment qu'il prit rendez-vous avec l'éternité.